Garde des Sceaux, ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Liberté publiques: CONFERENCE DE PRESSE DU GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTES PUBLIQUES, Le 29 Avril 2013 ABIDJAN, IMMEUBLE SCIAM, 20ème ETAGE Thème: "SITUATION DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE L’HOMME EN COTE D’IVOIRE"

  
  

•Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique,
•Mesdames et Messieurs les Représentants des Institutions Internationales,
•Madame la Directrice du CICG,
•Mesdames et Messieurs les membres du Cabinet,
•Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux et Centraux,
•Messieurs les chefs de cours et de juridiction
•Honorables Invités, tous en vos Titres, Grades et Qualités
•Mesdames et Messieurs de la Presse, Chers Partenaires.

C’est avec un grand plaisir que je vous accueille dans le cadre de cette rencontre d’échanges et d’information.
J’ai certes eu l’occasion de rencontrer certains d’entre vous à maintes reprises, mais c’est la première fois que je reçois un échantillon aussi important des organes de presse depuis mon arrivée à la tête du Département de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques.
Je voudrais donc vous adresser mes sincères remerciements pour avoir répondu si nombreux à notre invitation.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs de la Presse,

Dès ma nomination à la tête de ce Département, j’ai décidé d’accorder une place de choix à la communication, d’abord en érigeant le Service de la Communication en Direction de la Communication, ensuite, en inscrivant dans mon programme d’activités, le principe de rencontrer régulièrement la Presse.
Je me réjouis donc de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui de partager avec vous le bilan des cent jours à la tête de ce département et les actions prioritaires que nous envisageons dans les secteurs de la Justice et des Droits de l’Homme.
Comme vous le savez, notre pays a été particulièrement éprouvé ces dix dernières années par une grave crise socio-politique.
Cette crise a profondément affecté les secteurs de la Justice et des Droits de l’Homme dont les dysfonctionnements, sans être exhaustifs, sont entre autres :
•le pillage et la destruction des juridictions et établissements pénitentiaires,
•le manque de moyens logistiques et l’absence de base documentaires,
•l’insuffisance du personnel,
•la surpopulation carcérale,
•aux difficultés d’accès des populations à la Justice, du fait de la cherté des prestations, etc.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs de la Presse,

Dès ma prise de fonction, j’ai défini de façon claire et précise ma vision sectorielle, à savoir une justice moderne, efficace et plus humaine à l’horizon 2015.
Cette vision bien entendue est adossée pour 2013 sur les axes prioritaires du gouvernement à savoir :
- la Paix et la sécurité intérieure
- la Réconciliation nationale et la Cohésion sociale
- la Reconstruction post crise et la Relance économique.
La mise en cohérence des missions qui me sont assignées et la déclinaison de la vision ci-dessus mentionnée m’ont amené à indiquer cinq (6) axes prioritaires majeurs de travail, à savoir:
La réforme des textes, la formation des acteurs de la Justice, le renforcement et l’amélioration des capacités opérationnelles du Ministère, l’amélioration des conditions de détention, le renforcement des capacités opérationnelles des structures de réinsertion et d’alternative à la détention, la promotion et la protection des droits humains.

I. AU TITRE DU BILAN
Que retenir de substantiel en cent jours d’activités ?
Il est bon de noter qu’après la passation des charges, nous avons été confrontés à la question des locaux pour la chancellerie dans la mesure où nous étions hébergés par le Ministère des Affaires Etrangères, au bloc Ministériel. Nous nous sommes donc provisoirement délocalisés a la cité administrative en attendant la mise à disposition d’un siège définitif pour la Chancellerie.
A côté des visites aux Cours d’Appel et certaines structures sous tutelle, nous avons entrepris de donner des nouveaux visages à nos juridictions en procédant au remplacement de certains chefs de Cours et de Juridictions. Ces changements ont été suivis d’un mouvement visant 52 magistrats, ceci pour combler les trous liés à la mise en place du Tribunal de commerce d’Abidjan et aussi pour réduire certains bruits de prévarications liés à certains juges.
A l’occasion, nous avons pu faire nommer et affecter deux promotions de nouveaux magistrats qui attendaient leur première affectation depuis bientôt quatre ans pour certains.
Nous avons également nommé et affecté huit Juges de l’Application des Peines dans les tribunaux de première instance ce qui constitue une innovation dans notre système judiciaire, car bien que prévue dans les textes, cette fonction très importante n’a pas été exercée depuis plusieurs décennies.

L’équipement de tous les parquets de première instance et de certains greffes de matériels informatiques en vue de leur faciliter le travail et la connexion des Palais de justice du Plateau et de Yopougon à l’internet.
Mais au-delà de ces actions visibles, le plus important à notre sens, est l’instauration d’un nouvel esprit dans la famille judiciaire qui se traduit par plus de célérité dans le traitement des dossiers en justice et par la réduction des faits de corruptions. Dans ce sens nous avons vidé le palais de justice de toutes les présences injustifiées pour mettre fin à l’action des intermédiaires véreux ou« margouillats ».

Au niveau de l’avancée des dossiers dans les cabinets d’instruction il y’a un meilleur suivi avec les réunions d’évaluation que nous tenons chaque mois pour lever les obstacles au bon déroulements des procédures sans bien sûr nous immiscer dans les fonds des dossiers ;
De même, les Procureurs de la République sont plus regardants sur les enquêtes préliminaires et sur les règlements de procédures puisqu’ils sont tenus de rendre compte au quotidien à la chancellerie.
Au total, nous pensons qu’il y’a aujourd’hui une meilleure communication d’une part entre la chancellerie et les juridictions et d’autre part entre les justiciables et les autorités judiciaires pour une meilleure administration de la justice.

- La réforme des textes pour une justice efficace

Une justice de qualité se doit d’être adaptée à la société qu’elle régit et en accompagner les évolutions. En Côte d’Ivoire, il y’a un véritable déphasage entre les textes et la réalité. L’un des exemples les plus marquants est la sanction de la peine de mort qui, bien qu’abolie par la loi suprême qu’est la Constitution, demeure dans certaines dispositions du corpus législatif national notamment le Code pénal.


De réformes sont nécessaires :
-En matière pénale (code pénal et procédure pénale)
-En matière civile (la famille, le régime, la minorité etc…)
-Pour les professions judiciaires (statut de la magistrature, la profession d’Avocat etc…)

C’est pourquoi, il apparaît urgent de mettre en place des comités d’experts qui seront chargés de travailler à la réforme du Code de la famille, du Code pénal, des Codes de Procédures, du Statut de la magistrature.

Enfin, pour une justice efficace et diligente, il est nécessaire de moderniser la gestion des actes de justice. Ainsi, les certificats de nationalité et les casiers judiciaires doivent pouvoir être obtenus dans des délais plus courts que ceux actuellement appliqués et ce quelle que soit la juridiction saisie pour l’établissement desdits actes, d’où la nécessité d’une modification de la loi dans ce sens.

- Le renforcement et l’amélioration des capacités opérationnelles des acteurs de la justice

L’objectif visé ici est de favoriser un approfondissement et un renouvellement permanent des connaissances des acteurs de la justice (formation initiale et continue ouverte au monde, partenariat avec des chancelleries étrangères, séjours dans leurs juridictions spécialisées, création de bibliothèques physiques et numériques au sein de chaque juridiction),

-Une prise de conscience de la portée des décisions qu’ils rendent (stages d’immersion, séjour carcéral).
-Amélioration des conditions de travail des acteurs de la justice (réhabilitation des juridictions, acquisition et équipement de la chancellerie ; l’acquisition de l’immeuble « Symphonie » permettra de décongestionner les juridictions en mettant des bureaux à la disposition des magistrats. L’objectif, à terme, étant de réaménager l’actuel palais de justice du Plateau uniquement en salle d’audience).
-Redynamiser le service de l’Inspection générale

Afin d’instiller au sein de l’institution judiciaire, une culture de la morale et de la probité l’Inspection générale du Ministère de la Justice doit être redynamisée.

Les réhabilitations ci-dessus indiquées devront être accompagnées d’actions de construction qui faciliteront notamment l’accès des justiciables à la justice (extension de section, Cour d’appel, tribunaux de commerce et services d’archive, etc...).



-Les lieux et conditions de détention

Au plan pénitentiaire, c’est une véritable action de modernisation des prisons qui est envisagée. En effet, la combinaison des deux portefeuilles de la justice et des droits de l’Homme nous impose de veiller au respect des droits fondamentaux à la dignité des personnes détenues. De plus, de nombreuses évasions ont lieu chaque année dans nos prisons, démontrant la vétusté de ces établissements.

Ainsi, afin de respecter les normes internationales, il est envisagé la construction de lieux de détention modernes dans les années prochaines en mettant l’accent sur la spécialisation des prisons (prison de longue peine, pour femme, pour mineur etc...).

En outre, ces nouvelles prisons permettront entre autre de protéger les détenus les plus vulnérables de l’influence des prisonniers jugés dangereux.

Les actions prioritaires envisagées pour l’univers carcéral concerneront la santé, l’alimentation et l’hygiène dans les établissements pénitentiaires. Il est ainsi prévu que dans chaque prison, la présence d’un médecin soit assurée à temps partiel selon un calendrier préétabli. Un(e) infirmier(e) devra cependant être disponible à temps plein. Pour cette action, il est envisagé, avec le soutien du Gouvernement, la formation à la profession d’infirmier de ceux des agents pénitentiaires qui ont le niveau requis. En outre, tous les lieux de détention seront pourvus en médicaments et en matériels de premiers secours.

- Le renforcement des capacités opérationnelles des structures de réinsertion et d’alternative à la détention

Il conviendrait d’élaborer une politique de réinsertion et d’alternative à la détention basée sur un assouplissement du système carcéral.

Ainsi, dans le cadre de la réforme pénale susmentionnée, il pourrait être créé, une peine de substitution à l’enfermement pour sanctionner certains délits. L’instauration de travaux d’utilité publique ou d’intérêt général réalisés au sein d’une prison ou d’une administration publique évitera une désocialisation irréversible des personnes condamnées.

Du point de vue de la réinsertion sociale, la construction de dix (10) prisons régionales, conformes aux standards internationaux et dont chacune développera une formation professionnelle dans des domaines d’activités spécifiques (ex : plomberie, couture, mécanique, etc.) permettra aux détenus de s’exercer à un métier et à l’administration judiciaire de se doter de matériel ou de main-d’œuvre issue des prisons.

Dans le même sens, le développement de champs pénaux (à l’image de la ferme agropastorale de Saliakro, près de Dimbokro) favorisera la pratique d’activités agricoles et améliorera l’alimentation dans les prisons.

Enfin, la réactivation de la fonction de juge de l’application des peines dans les tribunaux répond à ce souci de rendre nos maisons d’arrêt moins surpeuplées par la gestion en temps réel de la population carcérale. Les mesures de grâce et de libérations conditionnelles seront plus faciles à appliquer.

Au total, notre ambition est de traduire dans les faits la vision de justice moderne du Président de la République telle qu’envisagée dans son programme de campagne à l’élection présidentielle. Nous devons et nous pouvons offrir à l’horizon 2015, un embryon de justice moderne, efficace, réconciliée avec la population et des cadres de détention à visage humain, soucieux du respect des Droits de l’Homme et permettant une réinsertion aisée des anciens détenus.


- La promotion et la protection des droits humains
La Cote d`Ivoire ambitionne de se hisser au rang des nations respectueuses des droits humains, multipliant dans ce sens des actions sur les plans politiques, diplomatiques et économiques.
Les faits et actes suivants en sont l`illustration :
•mise nouvelle Commission Nationale des Droits de l’Homme, conforme aux principes de Paris ;
•formation continue en droits humains et à la citoyenneté des militaires et paramilitaires ;
•la rédaction de l’avant-projet de loi sur la protection des défenseurs des Droits de l’Homme.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs de la Presse,
Les efforts entrepris par le Gouvernement ivoirien ne sont pas limités seulement au plan interne. Ainsi,
- la ratification du Statut de Rome portant création de la Cour Pénale Internationale ;
- l’élection de la Côte d’Ivoire au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies qui vient d’achever sa 106e session a laquelle notre pays a pris part à Genève.
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs de la Presse,
Ces quelques exemples ont été exposés pour rassurer les uns et les autres sur notre volonté de faire de la Côte d’Ivoire un Etat de droit et de lutter véritablement et efficacement contre l’impunité. C’est au prix des actions envisagées ci-dessus, que nous parviendrons à la Paix et à la Sécurité intérieure. Une justice de célérité, d’équité et à visage humain contribuerait à n’en point douter à la Réconciliation et à la Cohésion sociale, gagés de la Relance économique.

Nous comprenons certes le désir des uns et des autres de voir la Justice ivoirienne ouvrir, voire accélérer les poursuites judiciaires contre ceux qui sont qualifiées de pro-OUATTARA, cependant, il ne faut guère omettre de prendre en compte l’analyse, somme toute logique, qui commande que le respect scrupuleux de la loi ne saurait s’accommoder de précipitations susceptibles d’être dommageables aux droits humains ; surtout lorsque les preuves en la matière ne sont pas encore suffisamment documentées.

Toutefois, par ma voix, le Gouvernement ivoirien voudrait réaffirmer, encore une fois, sa détermination à lutter contre l’impunité quelles que soient les personnes visées ou concernées. J’invite donc ceux qui en doutent, à attendre la fin des procédures avant de juger la justice ivoirienne. J’ai foi en ce que notre justice est capable et fera de qualitatif d’ici quelques années. Faisons confiance à nos Magistrats dont la grande majorité est sans reproche dans l’accomplissement de sa mission.

Voici en substance ce que nous avons voulu partager avec vous dans le cadre de la mission que le Président de la République et le Premier Ministre nous ont assignée, étant convaincu que c’est par la contribution des uns et des autres, les avis, les observations et les critiques que les secteurs de la Justice et des droits de l’Homme œuvreront à la construction de l’Etat de droit pour faire de notre nation un pays émergent.


Je vous remercie.