Ivoiriennes, Ivoiriens,
Mes chers compatriotes,
Conformément aux engagements que j’ai pris, devant vous, de m’inviter chez vous chaque fois que les événements nationaux l’exigent, je prends à nouveau la parole pour vous faire connaître les idées que m’inspirent les derniers développements de la politique nationale.
J’ai choisi, encore une fois, de m’adresser à vous à partir de Yamoussoukro, non seulement parce qu’il s’agit de la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire, mais surtout parce que Yamoussoukro représente, pour tous les Ivoiriens, un symbole: c’est une ville dédiée à la paix.
Mes chers compatriotes,
L’histoire et le progrès des Nations sont faits d’avancées remarquables, de pauses décevantes, de régressions catastrophiques, mais parfois aussi d’avancées spectaculaires et inattendues. Si l’on en juge par ce qui se déroule depuis quelques semaines sous nos yeux, nous nous trouvons aujourd’hui dans une de ces situations inespérées, où les hommes, se retrouvant face à eux-mêmes, sont capables de sursaut. Dans ces moments décisifs, les hommes se donnent les moyens d’imprimer un nouveau cours au destin collectif de la société.
Après cinq longues années d’espoirs déçus, de rêves brisés et d’occasions ratées, la Côte d’Ivoire se trouve à un autre tournant décisif de sa brève histoire, à un carrefour important où son avenir peut redevenir resplendissant, si elle sait prendre, cette fois, les mesures qui sauvent.
Le dialogue à deux, intervenu entre les chefs des deux factions belligérantes dont la méfiance réciproque maintenait la division de fait du territoire ivoirien en deux entités autonomes, est une bonne occasion de mettre en œuvre les divers accords conclus. Ce qu’on appelle dialogue direct, ce n’est rien d’autre que la communication rendue enfin possible entre des frères qui refusaient de se parler. Ce dialogue, comme toutes les avancées de l’histoire, n’est pas le fait du hasard.
Pour ma part, dès ma désignation en qualité de Premier ministre du gouvernement de transition, je me suis considéré comme investi d’une mission de salut national. J’ai compris ma nomination à la fois par les Ivoiriens et par la communauté internationale comme une injonction à faire aboutir le dialogue qui tardait à se nouer entre les belligérants et entre les adversaires politiques. Ma raison était de me tenir à bonne distance des chapelles et des factions. Il me fallait rétablir la confiance en inspirant confiance à tous les protagonistes. Une fois la confiance revenue, il ne restait plus qu’à créer les conditions d’un dialogue fructueux entre les adversaires, dans l’espoir d’aboutir enfin à la paix.
C’est pourquoi je me suis efforcé d’être, en toutes circonstances, un messager de la paix, un facilitateur et un catalyseur qui entraîne dans le sillage de son action ceux qui consentent à s’inscrire dans la recherche de la paix. Voilà qu’après bien des blocages, plus rien ne s’oppose au contact direct entre les parties en conflit. Le dialogue de Ouagadougou a débouché sur un accord que tous approuvent. J’en suis le premier heureux, car cet accord apporte de l’eau à mon moulin et constitue, même en mon absence, la preuve par neuf du bien-fondé de la doctrine que je ne cesse de professer depuis ma prise de fonction.
Mais peu importe l’auteur, pourvu que la paix revienne en Côte d’Ivoire et que le pays soit réunifié. Jamais je ne serai un obstacle à la paix. Je serai toujours là où la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens parlent de concorde, de fraternité, et s’efforcent de retrouver la voie de l’unité.
N’étant pas une des parties au conflit, venu à la rescousse de mon pays malade à la requête de mes compatriotes et de la communauté internationale, j’observe avec beaucoup d’espoir les derniers développements de l’actualité. Et je fais le rêve que les protagonistes qui nous promettent la réconciliation nationale pour bientôt se révèlent sincères et que la paix ainsi conclue soit irréversible.
Mais pour durer, la paix ne devra exclure personne. Elle ne devra exclure, ni aucun Ivoirien, ni aucun étranger vivant en Côte d’Ivoire; elle ne devra exclure, ni aucun civil ni aucun militaire. La paix devra être une paix pour tous !
La Côte d’Ivoire, notre beau pays, a beaucoup trop souffert de la discorde survenue entre ses enfants. Il est temps que nous taisions nos vaines rancœurs et que chacun fasse don de sa personne à ce pays pour lequel nous proclamons chaque jour notre amour. C’est le don de soi qui m’a conduit à renoncer à mille avantages pour me mettre au service exclusif de la Côte d’Ivoire. Faire don de sa personne, cela signifie que plus rien ne compte, en dehors du sacerdoce auquel on a souscrit. Je n’hésiterai pas à me sacrifier pour la Côte d’Ivoire, si les circonstances l’exigent et quand le moment sera venu. J’invite donc, en ces moments décisifs pour la nation, tous mes compatriotes à s’offrir pour la Côte d’Ivoire.
Je me garderai, pour ma part, d’engager la moindre polémique à propos des pronostics qu’on entend ici et là sur mon maintien à la tête du Gouvernement. Me tenant pour un missionnaire, je n’ai jamais imaginé qu’une mission puisse être perpétuelle. Toute mission sur cette terre a une fin.
Mes chers compatriotes,
Nous voici de nouveau face à l’histoire. Ceux qui tiennent dans les événements actuels un rôle de premier plan, doivent savoir que la Côte d’Ivoire attend d’eux qu’ils prennent leurs responsabilités devant l’histoire. Ils entreront dans l’histoire, si toutes les sources d’incompréhension qui sont à la base de la guerre ivoirienne trouvent des solutions consensuelles, justes, transparentes et durables. Le peuple ivoirien pourra alors choisir en toute liberté et en toute démocratie les hommes qu’il entend voir présider à ses destinées. Si tout se déroule dans les conditions que je viens de rappeler, alors la paix sera durable!
Ivoiriennes, Ivoiriens, mes chers compatriotes,
Face aux progrès incontestables dans la recherche de solutions à la crise ivoirienne, le Premier ministre nommé par la communauté internationale avec l’accord des Ivoiriens est tenu par un devoir de courtoisie à l’égard de ceux qui l’ont mandaté. C’est pourquoi, j’ai entrepris de faire connaître à mes interlocuteurs le fruit de mes réflexions sur la situation qui prévaut en ce moment. Mes interlocuteurs, ce sont les acteurs politiques ivoiriens, ce sont les dirigeants de la sous-région, c’est enfin la communauté internationale.
Pour le reste, je demande aux Ivoiriens de demeurer confiants et disciplinés.
Notre devise nous enseigne la discipline et l’union. Sachons, en bons patriotes, obéir à son message. Seules la discipline et la confiance créeront les conditions grâce auxquelles nous, Ivoiriens, serons à nouveau tournés vers l’avenir et le développement. Notre fierté sera de bâtir enfin une Côte d’Ivoire de paix. .
Quant à moi, mes chers compatriotes, me tenant toujours fermement à vos côtés, je demeure prêt pour la paix.
Je vous remercie
Fait à Yamoussoukro, le 26 mars 2007
Charles Konan Banny
Premier ministre