Déclarations & Discours
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Me Fofana Nathalie (avocate): Merci M. le Premier ministre d’avoir accepté de vous soumettre à cet exercice périlleux, mais que je pense, sera très utile. Je voudrais revenir à la question de relative au tandem. Il est certain que nous sommes dans une optique de recherche de la paix et donc nous évitons la confrontation. C’est très bien. Mais que se passera-t-il si la résolution 1633 et la Constitution venaient à s’entrechoquer ? Comment réagiriez-vous ? Quelle est votre position sur ces deux textes, la Constitution et la résolution ?
QUELQUES EXTRAITS DE L’INTERVENTION DU PREMIER MINISTRE LORS DE L’EMISSION « 100 JOURS AVEC CHARLES KONAN BANNY »
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Me Fofana Nathalie (avocate): Merci M. le Premier ministre d’avoir accepté de vous soumettre à cet exercice périlleux, mais que je pense, sera très utile. Je voudrais revenir à la question de relative au tandem. Il est certain que nous sommes dans une optique de recherche de la paix et donc nous évitons la confrontation. C’est très bien. Mais que se passera-t-il si la résolution 1633 et la Constitution venaient à s’entrechoquer ? Comment réagiriez-vous ? Quelle est votre position sur ces deux textes, la Constitution et la résolution ?
Me Fofana Nathalie (avocate): Merci M. le Premier ministre d’avoir accepté de vous soumettre à cet exercice périlleux, mais que je pense, sera très utile. Je voudrais revenir à la question de relative au tandem. Il est certain que nous sommes dans une optique de recherche de la paix et donc nous évitons la confrontation. C’est très bien. Mais que se passera-t-il si la résolution 1633 et la Constitution venaient à s’entrechoquer ? Comment réagiriez-vous ? Quelle est votre position sur ces deux textes, la Constitution et la résolution ?
Pour moi, ce sont les deux textes qui encadrent mon action. Vous êtes juriste, vous savez que même les juristes, c’est-à-dire ceux qui savent, reconnaissent qu’il n’y a pas d’antinomie entre la Constitution et la résolution. Quand vous regardez le préambule de la résolution, en fait si vous lisez bien, il y a la référence à la Constitution, en particulier à l’intégrité territoriale, à la souveraineté de la Côte d’Ivoire, à son indépendance, etc. Notions fondatrices d’un Etat souverain, indépendant régi par une Constitution. Deuxièmement , la résolution dit explicitement que le cadre de recherche des solutions de la crise ivoirienne demeure les accords qui ont été signés, en particulier les accords de Linas-Marcoussis et les accords subséquents, Accra, Pretoria et autres. Et vous savez bien et les Ivoiriens doivent le savoir, pour évacuer une bonne fois pour toutes, cette question, qui est intéressante pour le spécialiste, et ça je vais en parler tout à l’heure, les Ivoiriens savent bien que la question de la Constitution s’est posée à Linas-Marcoussis. A Linas-Marcoussis le modèle qui en est sorti n’était pas inéluctable. Mais à Linas-Marcoussis, ce qui était le plus important, c’est que les parties signataires ont reconnu que la Constitution était en place, que les institutions étaient en place. Sur certaines dispositions de la Constitution, ils ont fait des propositions mais la Constitution n’a pas été abrogée. C’est important, on oublie mais c’est fondamental. Tous les accords qui sont venus après se sont inscrits dans le cadre de Linas-Marcoussis. La résolution 1633 s’est inscrite dans la continuité, à la différence que la résolution 1633 vient après la fin d’une période constitutionnelle. Donc vient résoudre un problème que n’a pas résolu à satisfaction la Constitution mais tout en reposant sur la Constitution. Je ne suis pas suffisamment juriste donc je ne veux pas développer mais c’est le bon sens. Mais ce qui est le plus important, c’est que quand vous faites examiner cette question par les juristes les plus éminents, ils vous disent effectivement qu’il peut y avoir opposition ici et là entre Constitution et résolution 1633, il pourrait y avoir, ça dépend de la lecture qu’on en fait. Moi, j’ai décidé de ne faire aucune lecture antagoniste d’aucune question. J’ai décidé de ne faire aucune lecture antagoniste d’aucune question dès lors que ce qui est le plus important, c’est la sortie de crise. Au bout de la sortie de crise, c’est la paix. La paix veut bien que de temps en temps on fasse des compromis. Mais j’ai dit aussi pas de compromission. La compromission, c’est la négation du rôle de chacun dans le contexte ainsi posé. En plus, toutes les résolutions des Nations unies ne sont pas des ‘‘ready made’’, c’est-à-dire, des prêts-à-porter pour lesquelles on ne fait aucune retouche. L’essentiel, c’est de faire en sorte qu’en faisant la retouche, l’habit soit reconnaissable pour qu’on puisse le porter. Donc, il faut être intelligent dans la vie. Il faut faire une lecture intelligente et positive. Il faut positiver. Les Ivoiriens doivent positiver et sortir de cela. Maintenant, si malgré cela, il y a des problèmes, on avisera. C’est d’ailleurs l’une des conclusions de Yamoussoukro, non écrite. Si vous avez des problèmes, dites-nous. Cela veut dire que s’il y a des problèmes on va se réunir pour trouver la solution.
Charles Blé Goudé (Alliance des jeunes patriotes): Je veux d’abord vous féliciter pour ce qui s’est passé à Yamoussoukro, ensuite pour le gouvernement. Je ne dis pas votre gouvernement mais je dis le gouvernement de Côte d’Ivoire qui est au complet ici. Mais il y a des intrigues, il y a des questions que les Ivoiriens se posent. Il y a une question que je voudrais poser. Monsieur le Premier ministre, je voudrais savoir, pour moi, quand un individu accepte de siéger dans un gouvernement d’un Etat, cela veut dire qu’il reconnaît que cet Etat existe et donc par ricochet il se soumet aux lois de cet Etat. Vous avez parlé de compromis et de concession, comment expliquez-vous que le numéro deux de votre gouvernement, du gouvernement de Côte d’Ivoire, siège dans un gouvernement et continue d’occuper, avec ses hommes une partie du pays ? Comment vivez-vous cette situation, comment l’expliquez-vous ? Comment vous expliquez-vous cela surtout avec ce qui est arrivé ces derniers temps avec le président du Conseil économique et social ?
De toutes les façons, nous sommes des frères et tous, nous occupons le pays. La question, ce n’est pas le fait que des frères occupent le pays. La question est de voir que nous occupons tous le pays mais qu’il n’y ait pas de division. C’est important. Alors vous savez bien, ne soyez pas naïfs, que nous sommes en crise. C’est de cela qu’il s’agit. Vous savez bien que le 19 septembre a eu lieu. Je ne veux pas revenir sur les raisons mais il y a eu cela. Je prends les choses où elles sont. Comment se fait-il ? Mais il y a eu le 19 septembre. Et depuis lors, nous recherchons à créer l’unité et l’intégrité territoriale. Et tous les accords ont pour objectif de recréer l’unité nationale. Cela fait trois ans et plus que nous travaillons là-dessus. Donc le phénomène n’est pas nouveau. On a formé un premier gouvernement en janvier 2003 qui arrivé à échéance en octobre dernier avec les mêmes acteurs, avec des péripéties diverses et la situation perdure. Et la situation perdure. Alors, le programme que j’ai, c’est de faire en sorte que ce que vous dites se réalise. Et c’est pourquoi je dis, ne soyez pas naïfs. Il y a eu un problème, mon engagement, c’est tout faire pour que ce que vous dites se réalise. A savoir que les Ivoiriens puissent vivre sur le territoire national en toute liberté et sans qu’il y ait des questions de nature telles qu’il y ait une partition de faite. C’est cela le vrai programme, la situation à laquelle nous devons faire face. Et il faut le faire, poser des actes, des indices. Le premier indice important, effectivement, c’est de voir que dans ce gouvernement, toutes les parties antagonistes y sont. C’est déjà une raison d’espérer, un signal qu’il faut considérer. L’autre question, c’est que lorsqu’il y a des situations de ce genre qui arrivent, il faut reconnaître qu’en Côte d’Ivoire, le Rubicon n’a pas été franchi. Dans d’autres pays, le gens franchissent le rubicon. Personne n’a proclamé la sécession. Ça veut dire que nous continuons à vouloir vivre ensemble. Si on ne peut plus circuler aussi librement, c’est qu’il y a encore des question à résoudre et c’est à ces questions que je m’attelle. Et je vous ai dit que la base de cette disposition, c’est qu’on réapprenne à se faire confiance. Que Blé Goudé et Soro Guillaume qui sont de la même génération _je connais votre histoire tous les deux_ c’est que vous réappreniez à vous fréquenter. Dites-le aux Ivoiriens, vous êtes des copains, vous avez été copains. Ils le savent d’ailleurs et ils le disent. Que vous ayez des histoires et que chacun se retrouve dans un camp, ça arrive. Mais le drame, c’est que ça arrive en Côte d’Ivoire et ça crée des situations graves. Prenez la mesure de la gravité de la situation et discutez ensemble. C’est notre responsabilité, c’est la vôtre aussi, de Blé Goudé, de Soro Guillaume. D’autant que ce que nous faisons, c’est pour vous, je vous l’ai souvent dit. Nous avons eu trente ans de paix. Voilà cher frère ! C’est pourquoi je vous dis, profitez de moi. Ne niez pas, ne soyons pas dogmatiques. Il y a eu un problème. Le fait que vous soyez –là, pour moi, est une indication. Tout à l’heure vous allez vous serrer la main, devant moi.
Awa Ehoura (journaliste TV2): Monsieur le Premier ministre, tout le monde s’est réjoui, vous avez réussi à réunir les leaders politiques à Yamoussoukro. Tout le monde s’en est félicité, on vous a félicité. Vous qui avez parlé avec les 4, pouvez-vous nous dire ce qui les oppose et qui fait que depuis trois ans nous sommes en crise ?
Rien du tout. Rien de fondamental. Je peux illustrer mais je ne vais pas le faire. Je vous dis, rien de fondamental. Mais il y a une chose qui les oppose mais essayons de les opposer, j’allais dire, démocratiquement. C’est la lutte pour le pouvoir et c’est normal ça. Dans une démocratie, on lutte pour le pouvoir et c’est cette démocratie que je veux aider à construire en Côte d’Ivoire. Rien n’oppose irrémédiablement Laurent Gbagbo à Henri Konan Bedié. Sauf que chacun veut être Président. Rien n’oppose irrémédiablement Alassane Ouattara à Laurent Gbagbo, sauf que chacun veut être Président. C’est normal.
Mais comment faire pour que chacun sache qu’on ne peut pas être tous Présidents en même temps ?
Mais on veut empêcher l’autre de venir. C’est clair. C’est la démocratie. Je n’ai pas fini ma combinaison. Rien n’oppose Laurent Gbagbo à Henri Konan Bedié mais mieux, vous le savez, et c’est pour cela que je dis que nous allons faire un exercice de vérité. Nous avons vu des alliances des uns avec les autres dans la Côte d’Ivoire que nous connaissons. Ce qui veut dire que rien ne les oppose irrémédiablement. Je le sais et je les remercie d’ailleurs de l’avoir compris. Qu’on peut se disputer à un moment donné parce qu’on peut vouloir la même chose en même temps, ce qui n’est pas possible. C’est dire qu’à un moment donné, il faut quand même créer les conditions pour que le jeu démocratique se pose. Et comme rien ne les oppose irrémédiablement, il fallait que quelqu’un comprenne cela et le sache. Ils m’ont fait confiance, je leur ai fait confiance. La réunion s’est passée avec beaucoup de responsabilité. C’était même émouvant. Maintenant, il faut bâtir là-dessus. Il faut que l’esprit de Yamoussoukro descende sur les échelons inférieurs car ce sont des leaders d’opinions. Il faut que l’esprit qu’ils ont dégagé à Yamoussoukro descende sur leurs propres collaborateurs, sur tous ceux qui les suivent et qui les accompagnent dans leurs ambitions, dans leurs programmes en leur disant qu’on peut se battre mais on n’a pas le droit de se déchirer et de créer les conditions que nous connaissons à la Côte d’Ivoire. C’est ça l’essentiel et c’est ça que nous allons faire maintenant.
Awa Ehoura: M. le Premier ministre, le DDR (Désarmement, démobilisation et réinsertion), c’était un point du communiqué qui avait sanctionné la rencontre de Yamoussoukro. Ma question est de savoir où est- ce qu’on en est exactement aujourd’hui, d’autant plus que, avec beaucoup de plaisir, j’ai entendu le ministre d’Etat Soro Guillaume dire que dans les jours qui viennent, l’on verra le dialogue s’amorcer avec les militaires ?
Tout à fait, on en est là aussi, on n’en est pas là seulement. Aussi parce que cela se situe dans le cadre de ce qui avait été fait avant. Je dois dire d’ailleurs que le gouvernement de Seydou Diarra a beaucoup travaillé sur le DDR, au niveau de la conceptualisation du programme. Et plus encore au niveau de l’acquisition du matériel pour le pré-cantonnement, le cantonnement et autres. Beaucoup a été fait par le gouvernement Seydou Diarra au point que les militaires eux-mêmes ont signé un accord à Yamoussokro. Ce document est là, et nous reprenons les choses où elles ont été arrêtées et nous les relançons. J’aborde ce problème sur la base de ce qui a été fait en particulier entre les militaires mais aussi entre les politiques. Je vous rappelle que le cadre de solution des problèmes ce sont les différents accords, les engagements pris et signés par les parties prenantes à Marcoussis, Accra, etc. Sur la base de cela, il y a eu l’accord des militaires et cela est très important. Je reprends les choses où elles sont. Je ne pouvais pas agir sans comprendre et je ne pouvais pas comprendre sans écouter. J’ai donc écouté, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris mais j’ai un peu mieux compris. Qu’ai-je compris ? J’ai compris deux choses essentielles. La première est que en matière de désarmement, il faut convaincre les uns et les autres de le faire. Convaincre ou contraindre, voilà les deux alternatives qui s’offrent à nous. Fidèle à ma méthode, je crois que si nous voulons une paix durable, un désarmement durable et réussi, il faut convaincre les uns et les autres. Convaincre nos propres forces de défense et de sécurité, ce n’est d’ailleurs pas le plus aisé ; ensuite convaincre leurs frères d’armes qui ont pris les armes et qui sont de l’autre côté. Et je crois que ce travail de conviction ne se fait pas toujours sur la place publique. C’est un travail souterrain, un travail de fourmi. Je crois qu’on avance sur ce terrain-là.
Vous pensez qu’on pourra tenir dans le temps imparti ?
La crise a tellement duré que si l’on peut avoir quelques jours de plus pour convaincre, je suis preneur. Pour le moment, je suis encore dans le temps. Je crois qu’une fois qu’on aura convaincu, le reste va s’accélérer. Et ce qui s’est passé à Yamoussoukro est un volet essentiel dans lequel d’ailleurs le Chef de l’Etat a joué un rôle important. C’est de dire que pour le désarmement après avoir convenu que le désarmement sera volontaire et non pas une contrainte, nous avons décidé que les questions d’ordre militaires sans exclusive et les questions que les uns et les autres se posent doivent être remises aux militaires pour que eux- mêmes y travaillent car n’oubliez pas que la crise une fois terminée, nous allons refonder une armée nationale. Il faut que ces questions soient au préalable examinées. Et La semaine dernière, le Chef de l’Etat a fait une réunion en ma présence et en présence du ministre de la Défense pour donner ses instructions au chef d’état-major des forces de défense et de sécurité. Par ailleurs, je vais réunir dans la semaine, les deux états majors pour réitérer ces instructions et nous pourrons ainsi discuter. C’est ce que Soro Guillaume nous a dit. C’est une conclusion de la réunion de Yamoussoukro donc on avance. Une fois qu’on aura convaincu sur la base de ce qui a été fait et des accords signés et des dispositions matérielles déjà prises. Je crois que pour ce qui concerne le désarmement des forces combattantes, cela sera sûrement un peu plus facile. Il n’y a pas que ça. Il y a aussi tous ceux qui disposeraient d’armes en leur possession alors que la loi ne leur permet pas, là aussi il va falloir s’en occuper très sérieusement. L’objectif est de faire que les Ivoiriens ne se parlent pas qu’avec les armes, une véritable paix n’est pas une paix armée. Cela est un gros travail et j’ai entendu aussi dire que l’insécurité a grandi. Cela n’est pas tout à fait exact. Je reçois chaque soir un rapport du ministre de l’Intérieur, je ne peux pas dire qu’il y a eu des améliorations mais on ne peut pas dire non plus que depuis quatre mois, la situation sécuritaire autre que ce dont j’ai parlé s’est dégradée. Il y a quand même des petits pas qui sont faits.
Brou Aka Pascal : La première épreuve à laquelle vous avez eu à faire face est l’attaque du camp d’Akouédo. Sur ce problème précis vous et le Chef suprême des armées semblez ne pas avoir parlé de la même voix. Est-ce qu’aujourd’hui on en sait un peu plus sur ce qui s’est passé à Akouédo? Avez-vous la confiance des forces de défense et de sécurité ?
Il y a deux choses. Moi, je suis le chef du gouvernement. L’armée est caractérisée par la discipline. Toute armée qui n’est pas soucieuse de la discipline n’est plus dans le ton. Les militaires eux-mêmes disent que la discipline est la force des armées. Si notre armée veut être forte, elle doit être disciplinée. La discipline commence par le respect de la hiérarchie. Dans la Constitution, le Chef de l’Etat est le chef suprême des armées, mais en dessous de lui il y a un Premier ministre, chef du gouvernement. Maintenant, les ordres que je peux donner à l’armée , je ne sais pas comment elle peut ne pas les exécuter. A ce moment-là, elle est hors discipline et on avisera. Il est vrai que cette armée soit la plus républicaine possible. Il faut qu’elle soit la grande muette, mais il se trouve aussi et c’est le cas de le dire, notre pays est en crise et dans cette crise armée, les forces de défense et de sécurité ont une part tellement importante à nos yeux que nous les civils nous ne faisons plus rien pour sortir de cette crise. Que fait donc la société civile ?
Brou Aka Pascal: Revenons à Akouédo, c’était quoi et c’était qui ?
J’ai formé le gouvernement le 28 décembre et le 30, j’étais à Dakar. Le 31 décembre, j’ai fait comme tout le monde. Dans l’euphorie, nous avons fait un petit réveillon. Le 1er j’ai reçu de la visite, et dans la nuit du 1er au 2, j’apprends qu’il y a eu cet événement. J’ai quitté Dakar et je suis arrivé l’après-midi. Je suis allé voir le Chef de l’Etat immédiatement. Nous avons ténu une réunion dans la nuit au palais, nous avons fait le constat et personne de nous deux ne savait d’où cela venait. Moi je n’ai pas porté de jugement, j’ai fait le constat et j’ai dit conformément à ma méthode que quelques soient les raisons ou les revendications on peut s’exprimer autrement que de cette manière. Puisqu’il y a des gens qui aiment la polémique ils avancent de telles choses. Je ne vois pas la dissonance entre le Chef de l’Etat et moi-même sur cette question-là. Il y a que, effectivement, l’armée ne peut pas ne pas avoir des problèmes puisque la société ivoirienne a de problèmes, puisque la Côte d’Ivoire a des problèmes. L’armée est traversée par ces questions-là, ce sont des Ivoiriens. Nous traversons une crise économique et financière difficile. Les aspirations des uns et des autres et des catégories professionnelles ne peuvent pas être satisfaites. Dans l’armée, il y a aussi des questions de ce genre. Mardi prochain le Chef de l’Etat et moi-même, nous allons nous attaquer à ces questions catégorielles.
Me Fofana Nathalie : Concernant les recrues qui ont été appelées à l’occasion de la crise que nous connaissons, il faut dire en fait que vous semblez opposé à ce qu’on les intègre, j’aimerais avoir votre position par rapport à cela. Ma 2ème préoccupation concerne la police. Qu’est-ce que vous entendez initier comme action dans le cadre de la moralisation de la police? Et dans ce contexte-là, il y a la question du ticket unique qui peut paraître sans rapport, mais j’ai lu avec surprise que dans la clé de répartition des fonds générés par ce ticket unique, il y a une dotation à la police. Cela n’engage que moi, mais j’ai l’impression que cela est un habillage juridique du racket et cela peut poser d’autres problèmes en ce sens que une fois que ces fonds seront recueillis comment se fera la répartition? On risque de se retrouver dans la même situation qui a prévalu pour les fonds du greffe au tribunal. Cela peut dégénérer, les greffiers ne sont pas armés mais les policiers le sont. Alors dans l’ordre, le problème des recrues.
Pensez-vous vraiment que ce que on dit là résiste à l’analyse? Ma réponse est que cela ne résiste pas à l’analyse ni historique, ni factuelle.
Brou Aka Pascal : Cela veut dire que vous n’avez pris aucune décision encore.
Aucune. Ce qu’on dit ne résiste à aucune analyse. Mais c’est ivoirien. On dit, on fait courir les rumeurs. Je sais bien, je ne suis pas naïf. Je vous ai dit que j’ai décidé de me mettre au service de la paix. Je ne veux même pas m’attarder sur ces choses-là sauf à dire aux Ivoiriens de ne pas se laisser distraire par ces propos qui ont pour tendance de m’empêcher d’avancer et peut-être de saper mon moral ou même de soulever des groupes contre l’action du gouvernement. Je le sais mais peine perdue. Je connais ceux qui font cela. Un chef du gouvernement est quand même informé. Mais je ne répondrai pas à cela parce que je veux avancer, je veux aider les Ivoiriens à sortir de la crise. J’étais à Dakar et lorsque j’ai allumé la télévision, j’ai vu le Chef de l’Etat au Palais présidentiel entouré de tous les gradés militaires et cette question de paiement des primes a été posée. Le Chef de l’Etat a dit: “Si on a payé cent et quelques milliards, ce nl’est pas quatorze ou vingt milliards qu’on ne pourrait pas payer”. Voilà l’ancienneté de la question. Cela dit, il y a la continuité de l’Etat. Des engagements ont été pris par l’Etat, on a recruté des jeunes gens, on doit payer des primes non seulement à ceux-là mais aux autres. Je vous ai dit que le pays connaît une situation économique difficile. Je ne me suis même pas prononcé sur cette question. Je n’ai jamais vu ce dossier sauf mercredi dernier où je l’ai rencontré après-midi, en même temps que le Chef de l’Etat. J’ai visité les casernes, j’ai vu dans quelles conditions notre armée nationale vit. J’ai été bouleversé parce que je considère que c’est vrai nous n’avons pas beaucoup de moyens, mais on aurait pu faire quand même mieux. Je n’accuse personne mais je sais parce que j’ai vu naître l’armée. Je sais que ces questions de l’environnement, des conditions de vie sont là depuis belle lurette. La première question que les militaires ont posée à l’occasion de cette rencontre que j’ai eue avec le Chef de l’Etat et les états-majors, à la suite des événements du 2 janvier, c’est de dire que les camps militaires n’en sont pas un; ils ne sont pas entourés et il n’y a aucune frontière. Deuxièmement, les rackets…
Awa Ehoura: Monsieur le Premier ministre, quelle réponse donner aux recrues. Pouvez-vous les rassurer que vous ne bloquerez pas…
Je vous dis que ce n’est pas moi qui vais bloquer quoi que ce soit. Je n’ai pas encore répondu à la question. C’est que mardi prochain, une réunion avec le Chef de l’Etat et ces jeunes aura lieu au cours de laquelle leurs revendications seront passées en revue et des réponses seront apportées. Vous verrez alors si le Premier ministre a été contre cela ou pas, mais vous savez très bien qu’il s’agit d’intoxication. Il y a des gens qui ne veulent pas qu’on réussisse, mais ils se trompent. Nous allons réussir, en tout cas, moi je vais réussir.
Holland N’Da (Représentant du syndicat de la Fonction publique) : Nous avons l’impression que cette crise n’est vraiment pas militaire, puisque en 2004, les militaires ont signé à leur niveau, la paix, si on peut s’exprimer ainsi. Elle est beaucoup plus politique. Mais en même temps, nous avons l’impression que les militaires sont un objet utilisé par ceux-là mêmes qui sont à la base de cette crise. Et vous l’aviez dit, dans vos propos, il faut que nous nous posions la question : est-ce que nous avons une armée républicaine ? Nous autres, nous nous posons la question, parce qu’à la faveur de certains événements, un mois après votre nomination, nous avions eu effectivement cette attaque d’Akouédo, qui nous a rappelé une série de complots et de coups d’Etat depuis cette crise et même bien avant cette crise. Ce que nous notons, en ce qui nous concerne, c’est que notre armée n’est pas républicaine, puisque nous sommes sur une tribune de vérités. Nous avons l’impression à la faveur des crises que notre armée protège une frange d’Ivoiriens contre une autre. Vous avez une frange d’Ivoiriens qui veut manifester paisiblement, on les en empêche. Et il y a une autre frange d’Ivoiriens qui barrent les voies, qui barrent les routes et qui saccagent tout et qu’on encadre. M. le Premier ministre, c’est choquant. Nous ne savons pas si vous avez la solution à ce problème, mais c’est un problème qui intrigue. Puisque votre avènement a été salué par tous, vous pourriez nous aider à obtenir cette paix et cette réconciliation après lesquelles nous courons depuis trois ans. Et nous pensons qu’il y a certains actes que nous devons éviter et ce qui se passe sous nos yeux ne nous permet pas d’espérer parce que à chaque fois qu’on sent qu’on est proche du but, eh bien on recule de plusieurs pas.
Brou Aka Pascal (journaliste 1ère chaîne): M. le Premier ministre, est-ce que notre armée est républicaine ? est- ce qu’elle protège les Ivoiriens, est-ce qu’elle ne protège pas tous les Ivoiriens ?
Elle a l’obligation d’être républicaine. Elle doit être républicaine et elle sera républicaine. Parce que si elle n’est pas républicaine, alors c’est la porte ouverte aux bandes armées. Les bandes armées ne sont pas républicaines. L’armée nationale doit être républicaine. Elle est là pour la chose publique, et pour l’ensemble des citoyens. Ça c’est d’un. Elle a été construite comme cela. Mais cela dit, chacun peut avoir une appréciation du comportement de tel ou tel élément, à telle ou telle occasion. C’est tout cela qu’il faut mettre dans la corbeille et examiner pour trouver le moyen s’il y a eu des dérives, des dérapages de corriger. C’est le sens de ma mission. Est-ce que vous pensez que l’armée va échapper à cette mission de réconciliation nationale, de reconstruction du pays ? En tout cas de poser les bases pour cela. D’ailleurs, vous savez qu’il y a un volet de reconstruction, de refondation de l’armée nationale dans les accords de Marcoussis. Donc c’est une opinion, et il faut prendre en compte toutes les opinions, essayer de les approfondir et voir dans quelle mesure si cette opinion est partagée, ramener les choses à la normale. Ça c’est ma part, parce que ce que je veux éviter, c’est de prendre des positions tranchées.
Charles Blé Goudé: Merci M. le Premier ministre. Je veux parler de désarmement, parce que c’est un point qui est important dans la résolution de cette crise-là. Nous entendons souvent des phrases de la communauté dite internationale qui, parlant de désarmement, parle du désarmement des parties en présence. C’est-à-dire, nous savons, d’un côté, nous avons l’armée nationale de Côte d’Ivoire. Tout à l’heure vous avez dit qu’il y a les groupes que la loi n’autorise pas à avoir des armes. Vous êtes d’accord avec nous que la loi autorise l’armée nationale de Côte d’Ivoire à avoir les armes. Mais quand on parle du volet de désarmement dans cette crise, la communauté internationale (je suis heureux qu’elle soit derrière moi) parle de désarmement des parties en présence. Ça trouble un peu la morale. Vous en tant que Premier ministre, chargé de cette mission de conduire la Côte d’Ivoire à la paix, quelle est votre opinion sur cette histoire de désarmement des parties en présence ? Deuxième volet de ma question, il y a une expression qui a encore été créée ces derniers temps : état-major intégré. Moi j’en ai entendu parler, je suppose que vous en avez entendu parler aussi. Quel est M. Le Premier ministre votre opinion sur ces deux questions ?
Mon opinion sur ces questions est que je soutiendrais toutes les solutions partant des positions contradictoires qui amèneraient à la paix. C’est difficile, mais on n’attend pas mon opinion. On attend de moi que je propose, j’encourage des compromis. Si c’est mon opinion, je peux avoir votre opinion, je peux avoir celle de l’autre et puis on va rester assis là. Ce n’est pas ce qu’on me demande. Et c’est le tort qu’ont un certain nombre d’Ivoiriens, de vouloir m’attirer coûte que coûte cette situation dichotomique. C’est la plus facile. Mais comprenez que je ne veux pas faire cela. Ça ne veut pas dire que je suis un homme sans opinion. Mais je veux être responsable et utile à mon pays qui traverse une période difficile. Pour des notions nouvelles qui naissent, qui peuvent choquer les uns et les autres, a priori, mais la première approche, lorsque ces notions-là sont lancées, c’est qu’on s’asseye pour bien les comprendre. Il n’y a pas de notions qui soient irrémédiablement condamnables. La difficulté c’est de mettre tout cela ensemble si on veut véritablement sortir le pays de cette situation, et c’est mon cas. Mon opinion sera celle-là. Je vais favoriser le compromis. Et puis, n’ayons pas peur, n’ayons pas peur. Lorsque la Côte d’Ivoire sera réunifiée, lorsqu’on aura trouvé les repères d’avant, le mot état-major intégré aura disparu. On aura un état-major de l’armée nouvelle. N’ayons pas peur. Ce sont des notions qui vont passer. Ce sont des notions de circonstances, vous comprenez. N’ayons pas peur. Puisque tout le monde et ça c’est réconfortant, tous les Ivoiriens veulent la paix. Ils veulent se retrouver, ils veulent continuer à vivre ensemble. Ils veulent reconstruire un Etat unitaire, unifié et démocratique. Ce sont des notions conjoncturelles, qui sont attachées à la crise. Une fois que la crise aura disparu, elles disparaîtront de notre vocabulaire. Ne vous laissez pas trop emporter par ces choses-là. Regardez ce qu’il y a derrière et ce que nous souhaitons. Voilà mon opinion.
Me Fofana Nathalie (avocate): Merci M. le Premier ministre d’avoir accepté de vous soumettre à cet exercice périlleux, mais que je pense, sera très utile. Je voudrais revenir à la question de relative au tandem. Il est certain que nous sommes dans une optique de recherche de la paix et donc nous évitons la confrontation. C’est très bien. Mais que se passera-t-il si la résolution 1633 et la Constitution venaient à s’entrechoquer ? Comment réagiriez-vous ? Quelle est votre position sur ces deux textes, la Constitution et la résolution ?
Pour moi, ce sont les deux textes qui encadrent mon action. Vous êtes juriste, vous savez que même les juristes, c’est-à-dire ceux qui savent, reconnaissent qu’il n’y a pas d’antinomie entre la Constitution et la résolution. Quand vous regardez le préambule de la résolution, en fait si vous lisez bien, il y a la référence à la Constitution, en particulier à l’intégrité territoriale, à la souveraineté de la Côte d’Ivoire, à son indépendance, etc. Notions fondatrices d’un Etat souverain, indépendant régi par une Constitution. Deuxièmement , la résolution dit explicitement que le cadre de recherche des solutions de la crise ivoirienne demeure les accords qui ont été signés, en particulier les accords de Linas-Marcoussis et les accords subséquents, Accra, Pretoria et autres. Et vous savez bien et les Ivoiriens doivent le savoir, pour évacuer une bonne fois pour toutes, cette question, qui est intéressante pour le spécialiste, et ça je vais en parler tout à l’heure, les Ivoiriens savent bien que la question de la Constitution s’est posée à Linas-Marcoussis. A Linas-Marcoussis le modèle qui en est sorti n’était pas inéluctable. Mais à Linas-Marcoussis, ce qui était le plus important, c’est que les parties signataires ont reconnu que la Constitution était en place, que les institutions étaient en place. Sur certaines dispositions de la Constitution, ils ont fait des propositions mais la Constitution n’a pas été abrogée. C’est important, on oublie mais c’est fondamental. Tous les accords qui sont venus après se sont inscrits dans le cadre de Linas-Marcoussis. La résolution 1633 s’est inscrite dans la continuité, à la différence que la résolution 1633 vient après la fin d’une période constitutionnelle. Donc vient résoudre un problème que n’a pas résolu à satisfaction la Constitution mais tout en reposant sur la Constitution. Je ne suis pas suffisamment juriste donc je ne veux pas développer mais c’est le bon sens. Mais ce qui est le plus important, c’est que quand vous faites examiner cette question par les juristes les plus éminents, ils vous disent effectivement qu’il peut y avoir opposition ici et là entre Constitution et résolution 1633, il pourrait y avoir, ça dépend de la lecture qu’on en fait. Moi, j’ai décidé de ne faire aucune lecture antagoniste d’aucune question. J’ai décidé de ne faire aucune lecture antagoniste d’aucune question dès lors que ce qui est le plus important, c’est la sortie de crise. Au bout de la sortie de crise, c’est la paix. La paix veut bien que de temps en temps on fasse des compromis. Mais j’ai dit aussi pas de compromission. La compromission, c’est la négation du rôle de chacun dans le contexte ainsi posé. En plus, toutes les résolutions des Nations unies ne sont pas des ‘‘ready made’’, c’est-à-dire, des prêts-à-porter pour lesquelles on ne fait aucune retouche. L’essentiel, c’est de faire en sorte qu’en faisant la retouche, l’habit soit reconnaissable pour qu’on puisse le porter. Donc, il faut être intelligent dans la vie. Il faut faire une lecture intelligente et positive. Il faut positiver. Les Ivoiriens doivent positiver et sortir de cela. Maintenant, si malgré cela, il y a des problèmes, on avisera. C’est d’ailleurs l’une des conclusions de Yamoussoukro, non écrite. Si vous avez des problèmes, dites-nous. Cela veut dire que s’il y a des problèmes on va se réunir pour trouver la solution.
Charles Blé Goudé (Alliance des jeunes patriotes): Je veux d’abord vous féliciter pour ce qui s’est passé à Yamoussoukro, ensuite pour le gouvernement. Je ne dis pas votre gouvernement mais je dis le gouvernement de Côte d’Ivoire qui est au complet ici. Mais il y a des intrigues, il y a des questions que les Ivoiriens se posent. Il y a une question que je voudrais poser. Monsieur le Premier ministre, je voudrais savoir, pour moi, quand un individu accepte de siéger dans un gouvernement d’un Etat, cela veut dire qu’il reconnaît que cet Etat existe et donc par ricochet il se soumet aux lois de cet Etat. Vous avez parlé de compromis et de concession, comment expliquez-vous que le numéro deux de votre gouvernement, du gouvernement de Côte d’Ivoire, siège dans un gouvernement et continue d’occuper, avec ses hommes une partie du pays ? Comment vivez-vous cette situation, comment l’expliquez-vous ? Comment vous expliquez-vous cela surtout avec ce qui est arrivé ces derniers temps avec le président du Conseil économique et social ?
De toutes les façons, nous sommes des frères et tous, nous occupons le pays. La question, ce n’est pas le fait que des frères occupent le pays. La question est de voir que nous occupons tous le pays mais qu’il n’y ait pas de division. C’est important. Alors vous savez bien, ne soyez pas naïfs, que nous sommes en crise. C’est de cela qu’il s’agit. Vous savez bien que le 19 septembre a eu lieu. Je ne veux pas revenir sur les raisons mais il y a eu cela. Je prends les choses où elles sont. Comment se fait-il ? Mais il y a eu le 19 septembre. Et depuis lors, nous recherchons à créer l’unité et l’intégrité territoriale. Et tous les accords ont pour objectif de recréer l’unité nationale. Cela fait trois ans et plus que nous travaillons là-dessus. Donc le phénomène n’est pas nouveau. On a formé un premier gouvernement en janvier 2003 qui arrivé à échéance en octobre dernier avec les mêmes acteurs, avec des péripéties diverses et la situation perdure. Et la situation perdure. Alors, le programme que j’ai, c’est de faire en sorte que ce que vous dites se réalise. Et c’est pourquoi je dis, ne soyez pas naïfs. Il y a eu un problème, mon engagement, c’est tout faire pour que ce que vous dites se réalise. A savoir que les Ivoiriens puissent vivre sur le territoire national en toute liberté et sans qu’il y ait des questions de nature telles qu’il y ait une partition de faite. C’est cela le vrai programme, la situation à laquelle nous devons faire face. Et il faut le faire, poser des actes, des indices. Le premier indice important, effectivement, c’est de voir que dans ce gouvernement, toutes les parties antagonistes y sont. C’est déjà une raison d’espérer, un signal qu’il faut considérer. L’autre question, c’est que lorsqu’il y a des situations de ce genre qui arrivent, il faut reconnaître qu’en Côte d’Ivoire, le Rubicon n’a pas été franchi. Dans d’autres pays, le gens franchissent le rubicon. Personne n’a proclamé la sécession. Ça veut dire que nous continuons à vouloir vivre ensemble. Si on ne peut plus circuler aussi librement, c’est qu’il y a encore des question à résoudre et c’est à ces questions que je m’attelle. Et je vous ai dit que la base de cette disposition, c’est qu’on réapprenne à se faire confiance. Que Blé Goudé et Soro Guillaume qui sont de la même génération _je connais votre histoire tous les deux_ c’est que vous réappreniez à vous fréquenter. Dites-le aux Ivoiriens, vous êtes des copains, vous avez été copains. Ils le savent d’ailleurs et ils le disent. Que vous ayez des histoires et que chacun se retrouve dans un camp, ça arrive. Mais le drame, c’est que ça arrive en Côte d’Ivoire et ça crée des situations graves. Prenez la mesure de la gravité de la situation et discutez ensemble. C’est notre responsabilité, c’est la vôtre aussi, de Blé Goudé, de Soro Guillaume. D’autant que ce que nous faisons, c’est pour vous, je vous l’ai souvent dit. Nous avons eu trente ans de paix. Voilà cher frère ! C’est pourquoi je vous dis, profitez de moi. Ne niez pas, ne soyons pas dogmatiques. Il y a eu un problème. Le fait que vous soyez –là, pour moi, est une indication. Tout à l’heure vous allez vous serrer la main, devant moi.
Awa Ehoura (journaliste TV2): Monsieur le Premier ministre, tout le monde s’est réjoui, vous avez réussi à réunir les leaders politiques à Yamoussoukro. Tout le monde s’en est félicité, on vous a félicité. Vous qui avez parlé avec les 4, pouvez-vous nous dire ce qui les oppose et qui fait que depuis trois ans nous sommes en crise ?
Rien du tout. Rien de fondamental. Je peux illustrer mais je ne vais pas le faire. Je vous dis, rien de fondamental. Mais il y a une chose qui les oppose mais essayons de les opposer, j’allais dire, démocratiquement. C’est la lutte pour le pouvoir et c’est normal ça. Dans une démocratie, on lutte pour le pouvoir et c’est cette démocratie que je veux aider à construire en Côte d’Ivoire. Rien n’oppose irrémédiablement Laurent Gbagbo à Henri Konan Bedié. Sauf que chacun veut être Président. Rien n’oppose irrémédiablement Alassane Ouattara à Laurent Gbagbo, sauf que chacun veut être Président. C’est normal.
Mais comment faire pour que chacun sache qu’on ne peut pas être tous Présidents en même temps ?
Mais on veut empêcher l’autre de venir. C’est clair. C’est la démocratie. Je n’ai pas fini ma combinaison. Rien n’oppose Laurent Gbagbo à Henri Konan Bedié mais mieux, vous le savez, et c’est pour cela que je dis que nous allons faire un exercice de vérité. Nous avons vu des alliances des uns avec les autres dans la Côte d’Ivoire que nous connaissons. Ce qui veut dire que rien ne les oppose irrémédiablement. Je le sais et je les remercie d’ailleurs de l’avoir compris. Qu’on peut se disputer à un moment donné parce qu’on peut vouloir la même chose en même temps, ce qui n’est pas possible. C’est dire qu’à un moment donné, il faut quand même créer les conditions pour que le jeu démocratique se pose. Et comme rien ne les oppose irrémédiablement, il fallait que quelqu’un comprenne cela et le sache. Ils m’ont fait confiance, je leur ai fait confiance. La réunion s’est passée avec beaucoup de responsabilité. C’était même émouvant. Maintenant, il faut bâtir là-dessus. Il faut que l’esprit de Yamoussoukro descende sur les échelons inférieurs car ce sont des leaders d’opinions. Il faut que l’esprit qu’ils ont dégagé à Yamoussoukro descende sur leurs propres collaborateurs, sur tous ceux qui les suivent et qui les accompagnent dans leurs ambitions, dans leurs programmes en leur disant qu’on peut se battre mais on n’a pas le droit de se déchirer et de créer les conditions que nous connaissons à la Côte d’Ivoire. C’est ça l’essentiel et c’est ça que nous allons faire maintenant.
Awa Ehoura: M. le Premier ministre, le DDR (Désarmement, démobilisation et réinsertion), c’était un point du communiqué qui avait sanctionné la rencontre de Yamoussoukro. Ma question est de savoir où est- ce qu’on en est exactement aujourd’hui, d’autant plus que, avec beaucoup de plaisir, j’ai entendu le ministre d’Etat Soro Guillaume dire que dans les jours qui viennent, l’on verra le dialogue s’amorcer avec les militaires ?
Tout à fait, on en est là aussi, on n’en est pas là seulement. Aussi parce que cela se situe dans le cadre de ce qui avait été fait avant. Je dois dire d’ailleurs que le gouvernement de Seydou Diarra a beaucoup travaillé sur le DDR, au niveau de la conceptualisation du programme. Et plus encore au niveau de l’acquisition du matériel pour le pré-cantonnement, le cantonnement et autres. Beaucoup a été fait par le gouvernement Seydou Diarra au point que les militaires eux-mêmes ont signé un accord à Yamoussokro. Ce document est là, et nous reprenons les choses où elles ont été arrêtées et nous les relançons. J’aborde ce problème sur la base de ce qui a été fait en particulier entre les militaires mais aussi entre les politiques. Je vous rappelle que le cadre de solution des problèmes ce sont les différents accords, les engagements pris et signés par les parties prenantes à Marcoussis, Accra, etc. Sur la base de cela, il y a eu l’accord des militaires et cela est très important. Je reprends les choses où elles sont. Je ne pouvais pas agir sans comprendre et je ne pouvais pas comprendre sans écouter. J’ai donc écouté, je ne suis pas sûr d’avoir tout compris mais j’ai un peu mieux compris. Qu’ai-je compris ? J’ai compris deux choses essentielles. La première est que en matière de désarmement, il faut convaincre les uns et les autres de le faire. Convaincre ou contraindre, voilà les deux alternatives qui s’offrent à nous. Fidèle à ma méthode, je crois que si nous voulons une paix durable, un désarmement durable et réussi, il faut convaincre les uns et les autres. Convaincre nos propres forces de défense et de sécurité, ce n’est d’ailleurs pas le plus aisé ; ensuite convaincre leurs frères d’armes qui ont pris les armes et qui sont de l’autre côté. Et je crois que ce travail de conviction ne se fait pas toujours sur la place publique. C’est un travail souterrain, un travail de fourmi. Je crois qu’on avance sur ce terrain-là.
Vous pensez qu’on pourra tenir dans le temps imparti ?
La crise a tellement duré que si l’on peut avoir quelques jours de plus pour convaincre, je suis preneur. Pour le moment, je suis encore dans le temps. Je crois qu’une fois qu’on aura convaincu, le reste va s’accélérer. Et ce qui s’est passé à Yamoussoukro est un volet essentiel dans lequel d’ailleurs le Chef de l’Etat a joué un rôle important. C’est de dire que pour le désarmement après avoir convenu que le désarmement sera volontaire et non pas une contrainte, nous avons décidé que les questions d’ordre militaires sans exclusive et les questions que les uns et les autres se posent doivent être remises aux militaires pour que eux- mêmes y travaillent car n’oubliez pas que la crise une fois terminée, nous allons refonder une armée nationale. Il faut que ces questions soient au préalable examinées. Et La semaine dernière, le Chef de l’Etat a fait une réunion en ma présence et en présence du ministre de la Défense pour donner ses instructions au chef d’état-major des forces de défense et de sécurité. Par ailleurs, je vais réunir dans la semaine, les deux états majors pour réitérer ces instructions et nous pourrons ainsi discuter. C’est ce que Soro Guillaume nous a dit. C’est une conclusion de la réunion de Yamoussoukro donc on avance. Une fois qu’on aura convaincu sur la base de ce qui a été fait et des accords signés et des dispositions matérielles déjà prises. Je crois que pour ce qui concerne le désarmement des forces combattantes, cela sera sûrement un peu plus facile. Il n’y a pas que ça. Il y a aussi tous ceux qui disposeraient d’armes en leur possession alors que la loi ne leur permet pas, là aussi il va falloir s’en occuper très sérieusement. L’objectif est de faire que les Ivoiriens ne se parlent pas qu’avec les armes, une véritable paix n’est pas une paix armée. Cela est un gros travail et j’ai entendu aussi dire que l’insécurité a grandi. Cela n’est pas tout à fait exact. Je reçois chaque soir un rapport du ministre de l’Intérieur, je ne peux pas dire qu’il y a eu des améliorations mais on ne peut pas dire non plus que depuis quatre mois, la situation sécuritaire autre que ce dont j’ai parlé s’est dégradée. Il y a quand même des petits pas qui sont faits.
Brou Aka Pascal : La première épreuve à laquelle vous avez eu à faire face est l’attaque du camp d’Akouédo. Sur ce problème précis vous et le Chef suprême des armées semblez ne pas avoir parlé de la même voix. Est-ce qu’aujourd’hui on en sait un peu plus sur ce qui s’est passé à Akouédo? Avez-vous la confiance des forces de défense et de sécurité ?
Il y a deux choses. Moi, je suis le chef du gouvernement. L’armée est caractérisée par la discipline. Toute armée qui n’est pas soucieuse de la discipline n’est plus dans le ton. Les militaires eux-mêmes disent que la discipline est la force des armées. Si notre armée veut être forte, elle doit être disciplinée. La discipline commence par le respect de la hiérarchie. Dans la Constitution, le Chef de l’Etat est le chef suprême des armées, mais en dessous de lui il y a un Premier ministre, chef du gouvernement. Maintenant, les ordres que je peux donner à l’armée , je ne sais pas comment elle peut ne pas les exécuter. A ce moment-là, elle est hors discipline et on avisera. Il est vrai que cette armée soit la plus républicaine possible. Il faut qu’elle soit la grande muette, mais il se trouve aussi et c’est le cas de le dire, notre pays est en crise et dans cette crise armée, les forces de défense et de sécurité ont une part tellement importante à nos yeux que nous les civils nous ne faisons plus rien pour sortir de cette crise. Que fait donc la société civile ?
Brou Aka Pascal: Revenons à Akouédo, c’était quoi et c’était qui ?
J’ai formé le gouvernement le 28 décembre et le 30, j’étais à Dakar. Le 31 décembre, j’ai fait comme tout le monde. Dans l’euphorie, nous avons fait un petit réveillon. Le 1er j’ai reçu de la visite, et dans la nuit du 1er au 2, j’apprends qu’il y a eu cet événement. J’ai quitté Dakar et je suis arrivé l’après-midi. Je suis allé voir le Chef de l’Etat immédiatement. Nous avons ténu une réunion dans la nuit au palais, nous avons fait le constat et personne de nous deux ne savait d’où cela venait. Moi je n’ai pas porté de jugement, j’ai fait le constat et j’ai dit conformément à ma méthode que quelques soient les raisons ou les revendications on peut s’exprimer autrement que de cette manière. Puisqu’il y a des gens qui aiment la polémique ils avancent de telles choses. Je ne vois pas la dissonance entre le Chef de l’Etat et moi-même sur cette question-là. Il y a que, effectivement, l’armée ne peut pas ne pas avoir des problèmes puisque la société ivoirienne a de problèmes, puisque la Côte d’Ivoire a des problèmes. L’armée est traversée par ces questions-là, ce sont des Ivoiriens. Nous traversons une crise économique et financière difficile. Les aspirations des uns et des autres et des catégories professionnelles ne peuvent pas être satisfaites. Dans l’armée, il y a aussi des questions de ce genre. Mardi prochain le Chef de l’Etat et moi-même, nous allons nous attaquer à ces questions catégorielles.
Me Fofana Nathalie : Concernant les recrues qui ont été appelées à l’occasion de la crise que nous connaissons, il faut dire en fait que vous semblez opposé à ce qu’on les intègre, j’aimerais avoir votre position par rapport à cela. Ma 2ème préoccupation concerne la police. Qu’est-ce que vous entendez initier comme action dans le cadre de la moralisation de la police? Et dans ce contexte-là, il y a la question du ticket unique qui peut paraître sans rapport, mais j’ai lu avec surprise que dans la clé de répartition des fonds générés par ce ticket unique, il y a une dotation à la police. Cela n’engage que moi, mais j’ai l’impression que cela est un habillage juridique du racket et cela peut poser d’autres problèmes en ce sens que une fois que ces fonds seront recueillis comment se fera la répartition? On risque de se retrouver dans la même situation qui a prévalu pour les fonds du greffe au tribunal. Cela peut dégénérer, les greffiers ne sont pas armés mais les policiers le sont. Alors dans l’ordre, le problème des recrues.
Pensez-vous vraiment que ce que on dit là résiste à l’analyse? Ma réponse est que cela ne résiste pas à l’analyse ni historique, ni factuelle.
Brou Aka Pascal : Cela veut dire que vous n’avez pris aucune décision encore.
Aucune. Ce qu’on dit ne résiste à aucune analyse. Mais c’est ivoirien. On dit, on fait courir les rumeurs. Je sais bien, je ne suis pas naïf. Je vous ai dit que j’ai décidé de me mettre au service de la paix. Je ne veux même pas m’attarder sur ces choses-là sauf à dire aux Ivoiriens de ne pas se laisser distraire par ces propos qui ont pour tendance de m’empêcher d’avancer et peut-être de saper mon moral ou même de soulever des groupes contre l’action du gouvernement. Je le sais mais peine perdue. Je connais ceux qui font cela. Un chef du gouvernement est quand même informé. Mais je ne répondrai pas à cela parce que je veux avancer, je veux aider les Ivoiriens à sortir de la crise. J’étais à Dakar et lorsque j’ai allumé la télévision, j’ai vu le Chef de l’Etat au Palais présidentiel entouré de tous les gradés militaires et cette question de paiement des primes a été posée. Le Chef de l’Etat a dit: “Si on a payé cent et quelques milliards, ce nl’est pas quatorze ou vingt milliards qu’on ne pourrait pas payer”. Voilà l’ancienneté de la question. Cela dit, il y a la continuité de l’Etat. Des engagements ont été pris par l’Etat, on a recruté des jeunes gens, on doit payer des primes non seulement à ceux-là mais aux autres. Je vous ai dit que le pays connaît une situation économique difficile. Je ne me suis même pas prononcé sur cette question. Je n’ai jamais vu ce dossier sauf mercredi dernier où je l’ai rencontré après-midi, en même temps que le Chef de l’Etat. J’ai visité les casernes, j’ai vu dans quelles conditions notre armée nationale vit. J’ai été bouleversé parce que je considère que c’est vrai nous n’avons pas beaucoup de moyens, mais on aurait pu faire quand même mieux. Je n’accuse personne mais je sais parce que j’ai vu naître l’armée. Je sais que ces questions de l’environnement, des conditions de vie sont là depuis belle lurette. La première question que les militaires ont posée à l’occasion de cette rencontre que j’ai eue avec le Chef de l’Etat et les états-majors, à la suite des événements du 2 janvier, c’est de dire que les camps militaires n’en sont pas un; ils ne sont pas entourés et il n’y a aucune frontière. Deuxièmement, les rackets…
Awa Ehoura: Monsieur le Premier ministre, quelle réponse donner aux recrues. Pouvez-vous les rassurer que vous ne bloquerez pas…
Je vous dis que ce n’est pas moi qui vais bloquer quoi que ce soit. Je n’ai pas encore répondu à la question. C’est que mardi prochain, une réunion avec le Chef de l’Etat et ces jeunes aura lieu au cours de laquelle leurs revendications seront passées en revue et des réponses seront apportées. Vous verrez alors si le Premier ministre a été contre cela ou pas, mais vous savez très bien qu’il s’agit d’intoxication. Il y a des gens qui ne veulent pas qu’on réussisse, mais ils se trompent. Nous allons réussir, en tout cas, moi je vais réussir.
Holland N’Da (Représentant du syndicat de la Fonction publique) : Nous avons l’impression que cette crise n’est vraiment pas militaire, puisque en 2004, les militaires ont signé à leur niveau, la paix, si on peut s’exprimer ainsi. Elle est beaucoup plus politique. Mais en même temps, nous avons l’impression que les militaires sont un objet utilisé par ceux-là mêmes qui sont à la base de cette crise. Et vous l’aviez dit, dans vos propos, il faut que nous nous posions la question : est-ce que nous avons une armée républicaine ? Nous autres, nous nous posons la question, parce qu’à la faveur de certains événements, un mois après votre nomination, nous avions eu effectivement cette attaque d’Akouédo, qui nous a rappelé une série de complots et de coups d’Etat depuis cette crise et même bien avant cette crise. Ce que nous notons, en ce qui nous concerne, c’est que notre armée n’est pas républicaine, puisque nous sommes sur une tribune de vérités. Nous avons l’impression à la faveur des crises que notre armée protège une frange d’Ivoiriens contre une autre. Vous avez une frange d’Ivoiriens qui veut manifester paisiblement, on les en empêche. Et il y a une autre frange d’Ivoiriens qui barrent les voies, qui barrent les routes et qui saccagent tout et qu’on encadre. M. le Premier ministre, c’est choquant. Nous ne savons pas si vous avez la solution à ce problème, mais c’est un problème qui intrigue. Puisque votre avènement a été salué par tous, vous pourriez nous aider à obtenir cette paix et cette réconciliation après lesquelles nous courons depuis trois ans. Et nous pensons qu’il y a certains actes que nous devons éviter et ce qui se passe sous nos yeux ne nous permet pas d’espérer parce que à chaque fois qu’on sent qu’on est proche du but, eh bien on recule de plusieurs pas.
Brou Aka Pascal (journaliste 1ère chaîne): M. le Premier ministre, est-ce que notre armée est républicaine ? est- ce qu’elle protège les Ivoiriens, est-ce qu’elle ne protège pas tous les Ivoiriens ?
Elle a l’obligation d’être républicaine. Elle doit être républicaine et elle sera républicaine. Parce que si elle n’est pas républicaine, alors c’est la porte ouverte aux bandes armées. Les bandes armées ne sont pas républicaines. L’armée nationale doit être républicaine. Elle est là pour la chose publique, et pour l’ensemble des citoyens. Ça c’est d’un. Elle a été construite comme cela. Mais cela dit, chacun peut avoir une appréciation du comportement de tel ou tel élément, à telle ou telle occasion. C’est tout cela qu’il faut mettre dans la corbeille et examiner pour trouver le moyen s’il y a eu des dérives, des dérapages de corriger. C’est le sens de ma mission. Est-ce que vous pensez que l’armée va échapper à cette mission de réconciliation nationale, de reconstruction du pays ? En tout cas de poser les bases pour cela. D’ailleurs, vous savez qu’il y a un volet de reconstruction, de refondation de l’armée nationale dans les accords de Marcoussis. Donc c’est une opinion, et il faut prendre en compte toutes les opinions, essayer de les approfondir et voir dans quelle mesure si cette opinion est partagée, ramener les choses à la normale. Ça c’est ma part, parce que ce que je veux éviter, c’est de prendre des positions tranchées.
Charles Blé Goudé: Merci M. le Premier ministre. Je veux parler de désarmement, parce que c’est un point qui est important dans la résolution de cette crise-là. Nous entendons souvent des phrases de la communauté dite internationale qui, parlant de désarmement, parle du désarmement des parties en présence. C’est-à-dire, nous savons, d’un côté, nous avons l’armée nationale de Côte d’Ivoire. Tout à l’heure vous avez dit qu’il y a les groupes que la loi n’autorise pas à avoir des armes. Vous êtes d’accord avec nous que la loi autorise l’armée nationale de Côte d’Ivoire à avoir les armes. Mais quand on parle du volet de désarmement dans cette crise, la communauté internationale (je suis heureux qu’elle soit derrière moi) parle de désarmement des parties en présence. Ça trouble un peu la morale. Vous en tant que Premier ministre, chargé de cette mission de conduire la Côte d’Ivoire à la paix, quelle est votre opinion sur cette histoire de désarmement des parties en présence ? Deuxième volet de ma question, il y a une expression qui a encore été créée ces derniers temps : état-major intégré. Moi j’en ai entendu parler, je suppose que vous en avez entendu parler aussi. Quel est M. Le Premier ministre votre opinion sur ces deux questions ?
Mon opinion sur ces questions est que je soutiendrais toutes les solutions partant des positions contradictoires qui amèneraient à la paix. C’est difficile, mais on n’attend pas mon opinion. On attend de moi que je propose, j’encourage des compromis. Si c’est mon opinion, je peux avoir votre opinion, je peux avoir celle de l’autre et puis on va rester assis là. Ce n’est pas ce qu’on me demande. Et c’est le tort qu’ont un certain nombre d’Ivoiriens, de vouloir m’attirer coûte que coûte cette situation dichotomique. C’est la plus facile. Mais comprenez que je ne veux pas faire cela. Ça ne veut pas dire que je suis un homme sans opinion. Mais je veux être responsable et utile à mon pays qui traverse une période difficile. Pour des notions nouvelles qui naissent, qui peuvent choquer les uns et les autres, a priori, mais la première approche, lorsque ces notions-là sont lancées, c’est qu’on s’asseye pour bien les comprendre. Il n’y a pas de notions qui soient irrémédiablement condamnables. La difficulté c’est de mettre tout cela ensemble si on veut véritablement sortir le pays de cette situation, et c’est mon cas. Mon opinion sera celle-là. Je vais favoriser le compromis. Et puis, n’ayons pas peur, n’ayons pas peur. Lorsque la Côte d’Ivoire sera réunifiée, lorsqu’on aura trouvé les repères d’avant, le mot état-major intégré aura disparu. On aura un état-major de l’armée nouvelle. N’ayons pas peur. Ce sont des notions qui vont passer. Ce sont des notions de circonstances, vous comprenez. N’ayons pas peur. Puisque tout le monde et ça c’est réconfortant, tous les Ivoiriens veulent la paix. Ils veulent se retrouver, ils veulent continuer à vivre ensemble. Ils veulent reconstruire un Etat unitaire, unifié et démocratique. Ce sont des notions conjoncturelles, qui sont attachées à la crise. Une fois que la crise aura disparu, elles disparaîtront de notre vocabulaire. Ne vous laissez pas trop emporter par ces choses-là. Regardez ce qu’il y a derrière et ce que nous souhaitons. Voilà mon opinion.